Maroc
Printemps 2018, une traversée du Haut-Atlas.
Retour dans un pays sillonné en 1983 et en 2001, avec la visite de l’école vivante Ait Bougemez
Tibet oriental
Eté 2018, extraits de mon récit:
« Selon ma carte suisse, je suis bien au Tibet oriental et pour les Tibétains, je parcours leurs régions du Kham et de l’Amdo. Mais pour les Chinois, je traverse leurs provinces du Sichuan et du Qinghai. Le billet de banque de 50 yuans résume la situation : Mao Tsé-Toung tourne le dos au palais du Potala, résidence d’hiver des Dalai-Lamas…
A la seule fin de m’ensauvager, je veux encore croire au tournoiement cosmique de mes roues, soupçonnant mon pédalier, d’être un moulin à prières vertical. Pour vivre à fond, une fois de plus, la mystique du col: basculer de la civilisation vers quelque chose du paradis perdu, une terre de refuge, me blottir dans ces vallées et leur temps suspendu. Comme si soudain, la vie ne se compterait qu’en cols, de l’utérus aux hauteurs himalayennes. Mais les klaxons de berlines rutilantes de touristes chinois venus en masse remplacent désormais les freins et la parole. Les innombrables quarante tonnes chargés de ferrailles et de ciment me frôlent et froissent le silence, de jour, mais aussi de nuit. Je tressaille, vulnérable comme un fétu de paille, juché sur deux pouces d’air d’un véhicule qui fut pourtant, il y a tout juste encore quelques décennies, celui de chaque famille chinoise.
Ma rêverie, ma curiosité et ma résistance obstinée à lutter contre l’intranquillité, se heurtent depuis toujours au régime totalitaire chinois, et désormais aussi à l’écrasant développement de la modernité. Je me sens trahi et malvenu, mais que suis-je venu faire là? Sans doute Lévi-Strauss avait raison dans Tristes Tropiques (1955) lorsqu’il écrivit « Je hais les voyages et les explorateurs ». Je persiste cependant à dénoncer le triomphe de la laideur, la falsification de l’histoire et l’acculturation à marche forcée. Ces fausses-vraies maisons de pierre peintes de couleurs vives où les touristes chinois se déguisent en Tibétains et se prennent en photo devant un décor de hautes montagnes en carton pâte. Taillé dans le bronze, un soldat de l’armée dite de libération du peuple serait venu au secours de la veuve et de l’orphelin tibétains…. Chaque ville se voit traversée par un alignement de hautes bâtisses étatiques qui écrasent l’individu, des coques vides, trop humides en hiver, trop chaudes en été, alignées comme dans une voie romaine, flanquées d’une série de colonnades d’inspiration hellénique, enlacées par des dragons et surmontées de lions, les symboles du pouvoir chinois. »
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