L’Asie centrale, au même titre que le sous-continent indien et la chaîne himalayenne est devenue l’épicentre de nombre de mes pérégrinations. Deux tentatives avortées de visiter le Tadjikistan, ce flanc sud de l’ex-URSS, avant de pouvoir réellement le sillonner. En 1994, alors que le pays est en guerre civile, j’ai traversé à vélo sans visa tadjik les quelques 60 km et 4 contrôles militaires qui séparent Samarkande de Pendjikent. Le lendemain matin, 2 agents du KGB me cueillent, s’étonnent de ma présence et me prient de rebrousser chemin… Rebelotte en 2007: entrés depuis Kashgar, notre visa tadjik expire à Murghab. L’impossibilité de le prolonger nous oblige à quitter le territoire national en taxi collectif puis par la voie des airs. Enfin, en 2015, la troisième tentative fut la bonne.
Ce fut un voyage particulier sur les hauts-plateaux, en solo, mais aussi partagé avec ma compagne Martina Friemel, puis avec Alexandre Lachavanne, réalisateur pour l’émission « Passe-moi les jumelles » de la Radio Télévision Suisse, venu tout exprès me filmer pendant 9 jours. Un espace minéral, sauvage, et son silence qui donne du relief au souffle et libère la parole, des rencontres aussi rares que précieuses. La montagne épure.
Les Pamirs forment un château d’eau, ample massif qui déborde et recueille en son sein des confettis d’empires. Voisin du Tibet et comme lui, situé aux confins des mondes, là où s’esquisse d’une façon tragique l’avenir géopolitique du monde. J’effectuerai une brève incursion en forme de témoignage dans le corridor de Wakhan en Afghanistan, ce pays qui connaît la guerre depuis près de 40 ans.
Près de 700 ans après la Route de la Soie, l’Asie centrale, aujourd’hui traversée par des routes commerciales et énergétiques, reste un terrain de lutte pour des sphères d’influence. Les acteurs changent et le « grand jeu » entre l’empire russe et la Raj britannique se voit dominé par une Chine décomplexée, aux avant-postes et au faîte de sa puissance.