La Bastide de la Source #12: L’eau et le feu

Publié le 25/07/2023

L’eau nous avait attiré jusqu’ici, voilà que les flammes allaient dévorer notre « utopie », celle de redonner vie à cette ancienne bâtisse au pied de laquelle coule une fontaine. Il y a trois ans déjà! Le 24 janvier 2023, un feu accidentel menaça de la détruire. Je vous passe les détails. Ma compagne Martina, alors seule présente, déclencha l’alerte et assista à ce cauchemar puis à sa résorption. Les pompiers arrivés rapidement sur les lieux du sinistre l’arrosèrent pendant cinq heures durant avant d’y mettre fin. Depuis 1640, vacillant sur ses fondations, La Bastide de la Source n’avait jamais connu d’incendie.

Je dois tout à la tenacité de ma compagne Martina. Rassemblant toutes ses forces, elle s’est donnée corps et âme à la reconstruction de cette soudaine part manquante mise à nu face au ciel. Tour à tour à la recherche éperdue de bons artisans dans plusieurs corps de métier et enfilant la casquette d’architecte pour esquisser des plans sans se perdre dans les méandres des procédures. L’aboutissement d’un long chemin s’il en est.

Comme je l’écrivis dans ma Lettre à Vélocio, un autre feu, plus vital encore, se révéla presque simultanément dans mon être. On ne peut se préparer à de tels coups durs, encore moins lorsqu’ils sont si étonnamment ravageurs et synchrones. Ces évènements-là redéfinissent la perception du temps. Le cours de la vie quotidienne nous avait quelques peu fait oublier que nous sommes tous des êtres en sursis, qu’en une seule seconde, tout peut basculer. Cette condition humaine que le voyage à vélo, secrétant plein d’insouciance, sait si bien nous faire oublier!

Quelques six mois plus tard, le suivi de ma maladie me tenant à distance, le feu me paraît aujourd’hui déjà étrangement lointain. La Bastide de la Source est cerclée d’échafaudages, mais à l’intérieur, la forte odeur du brûlé imprègne encore sa chair. Des artisans, maçons et charpentiers s’affairent à rehausser notre maison durant l’été, à la couvrir d’un nouveau toit et d’une isolation digne de ce nom, propre à nous protéger du soleil redoutable de l’été et à conserver la chaleur durant l’hiver. Nous sommes en train de rebondir et de tourner la page, comme si, dans l’élévation de notre maison, nous avions grandis, ensemble.

Remonter la pente. Photo: Club alpin belge

Nous avançons, cahin-caha, comme à vélo: étape par étape, en regardant toujours de l’avant. Nous mettons tout en oeuvre pour que notre lieu de vie et mon être ébranlé recouvrent la santé. Il y a déjà plus d’une bonne raison de se réjouir. Notre jardin explose de beauté. Grâce à l’inestimable engagement de Martina, le mandala de permaculture prend forme à vue d’oeil. Les arbres plantés prennent leurs aises en dégageant de belles ombres, le charpentier Emmanuel a créé la plateforme de yoga et sa future coupole végétale comme sorties de terre (nous en reparlerons). Nos bassins d’eau naturelle, filtrée par des plantes, font toujours autant la joie des grenouilles.

L’année 2024 pourrait bien augurer un redéploiement de nos existences. Célébrons pour l’heure à chaque instant cette oasis dans un Luberon menacé par la sécheresse.