Carnet de route Afrique-Asie #1: Claude Marthaler est reparti

Publié le 07/10/2022

AVENTURE – Le cyclonaute genevois a quitté la Suisse pour rejoindre d’abord l’Afrique. Il racontera son voyage à « La Liberté« .

Cher lecteur, chère lectrice,

Je ne vous demanderai pas trois fois comme il est de coutume au Burkina-Faso, l’autorisation de « prendre la route », mais vous invite à suivre notre quotidien qui s’appelle, comme le vôtre « La Liberté »!

D’ailleurs, nous sommes déjà partis, le 8 octobre, de Genève. Au « Vent des routes « , une librairie de voyage, l’ambiance est à la fête. Familles, amis, cyclistes sont réunis pour ce rituel de départ qui nous insuffle un effet de catharsis. Heureux qui comme Ulysse….

Un joyeux peloton nous accompagne jusqu’à Hermance. A la frontière française, aujourd’hui non gardée, la plupart de nos amis rebroussent chemin. Le lendemain, Serge Roetheli enfourche son destrier et nous accompagne. A peine partis, notre démarche suscite curiosité et générosité: aux sacoches bondées s’ajoutent offerts ici ou là une glace, un thé, un livre, un ajustement de nos roues, une parole, un geste.

Glissant le long des berges du Rhône, nous virons en couleurs chaudes. Un vent léger anime les bouleaux argentés et nos roues font crépiter les premières feuilles de l’automne. Le coeur léger, les valises sous les yeux et un chargement bien trop lourds, nous tanguons en direction des Alpes. Sans itinéraire précis ni temps imparti, nous pédalons l’air de rien, vers Gênes, puis nous embarquerons pour l’Afrique. Nous poursuivrons notre route en toute indéfinition, pour le plus grand bonheur de voyager. Inch Allah!

A l’aune d’un voyage voué à la lenteur, étrangement, tout s’accélère. La vastitude de la planète vers laquelle nous tendons se réduisait pour l’instant à des préparatifs matériels dans un appartement de trente mètres carrés. Une à une, j’y décrochai les photos de mon plus long périple qui couvraient depuis quatre ans ces murs devenus soudainement anonymes. D’un seul coup, notre cuisine se résuma à un réchaud, notre chambre à coucher à une tente, notre moyen de locomotion à deux bicyclettes. La mise en route ressemble bel et bien à la mise à feu d’un moteur à implosion, en proie à la nostalgie et à l’inconnu. Ne rien oublier, puis s’oublier soi-même. Partir c’est mourir un peu.

Nous avons troqué notre identité pour vivre en cyclonautes et n’emportons que ce que nous sommes capables de déplacer. C’est alors seulement, chevauchant nos engins « a-moteur » et à deux pédales d’accélérateur, en instance de rodage, que nous lâchons prise en quittant notre port d’attache. Pression, tension, équilibre: les principes fondamentaux d’un vélo s’appliquent également à l’humain lui-même. Si la bicyclette agrandit et ranscende les frontières, le cyclonaute, tel une dynamo, se recharge en se (dé-)pensant.

Après tout, à vélo, on ne peut que bien tourner. Et tout le reste, c’est juré, nous vous l’écrirons.

SION, 11 OCTOBRE 2005, KM 170

Claude Marthaler est l’auteur de « Le Chant des roues – 7 ans à vélo autour du monde« , récit de voyage, éditions Oliznae, 2002 et de « Dans la roue du monde« , livre de photos, éditions Glénat, 2004 (épuisé). Site web: www.yaksite.org

Parti avec son amie Nathalie, Claude Marthaler va partager son voyage avec les lecteurs de « La Liberté ». Il n’en connaît pour l’heure ni le programme exact, ni la durée. Les deux cyclonautes vont d’abord mettre le cap sur Gênes avant d’embarquer pour la Tunisie.

La Liberté, 13.10.2005