L’Eurasie à vélo #69: « Ils ont rasé la montagne et étendu les terres sur l’océan »

Publié le 20/05/2022

Âgée de 78 ans, une habitante de Pusan, ville portuaire située à l’extrême sud de la Corée du Sud, évoque les transformations qui ont profondément modifié l’aspect de la côte.

La côte déchiquetée en dents-de-scie était truffée de sentinelles esseulées tournées vers l’océan, qui fixaient leur crosse devant leur torse au moindre passage de véhicule militaire. Des barbelés courent en bordure d’océan, quelle tristesse. Une grosse pierre marque le 38e parallèle qui avait été si important durant la guerre de Corée. Aujourd’hui, des selfs-services et un vaste parking accueillent les touristes.

Faute d’espace, j’ai dormi derrière un monument aux morts. Au matin, lorsque je pliai la tente, un car s’arrêta sur l’aire de stationnement et les occupants me firent signe de partager leur repas. Il n’y a pas longtemps encore, la Corée du Sud, fut un pays pauvre et le souvenir du manque de nourriture reste vivace. Ils déposèrent un à un, devant moi, des plats de légumes très épicés, une bouteille de bière, un kaki, une pomme et du poisson séché. Chacun apporta quelque chose, comme une offrande à un autel. Il y a des jours où le voyageur est un vrai dieu.

Trésor de bonté

J’avais rendez-vous à Pusan, la ville portuaire la plus méridionale de la Corée du Sud, avec Mme Tsuda, une connaissance de ma mère. Ce petit bout de femme est un vrai trésor de bonté qui saisi les choses en un éclair avec ses 78 ans. Elle m’accueille les bras ouverts, au douzième étage d’un immeuble. « Autrefois, la mer était proche, et regarde ce qui reste maintenant… Ils ont rasé la montagne et étendu les terres sur l’océan. » Elle e présente des photos de son mari japonais, décédé il y a 10 ans: « un vrai samouraï » dit-elle. M. Tsuda avait été un disciple du maître Ueshiba, (le fondateur de l’aïkido) pendant de nombreuses années et avait atteint le 7ème dan en aïkido. Après la Deuxième Guerre mondiale, il était venu en France pour enseigner cet art martial et avait ouvert une école de respiration (Le Katsugen Undo ou Mouvement régénérateur) à Paris.

C. M.

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L’Eurasie à vélo par Claude Marthaler, La Tribune de Genève, 6 janvier 1998