L’Eurasie à vélo #68: En Corée du Sud, l’Asie dévoile son visage occidental

Publié le 19/05/2022

Autoroute, restaurants luxueux, le pays contraste avec sa grande soeur chinoise. Sa capitale, Séoul, est une véritable fourmilière.

« Les Chinois sont des sauvages », me glisse mon voisin, un Coréen. « Des centaines de Chinois en survêtement blanc et bleu venaient travailler en Corée du Sud pour environ 250 dollars par mois. Nous, on gagne 10’000 dollars par an et les Japonais 40’000 », ajoute-t-il . Sa géographie était peuplée de chiffres et de classements. Un coutume universelle voue l’homme à médire de son voisin. Ainsi, chaque passage de frontière m’envoyait dans un cercle d’enfer plus profond et plus éloigné de la réalité. Dante avait sans doute raison et le Coréen aussi: frapper aux portes du monde riche, c’était d’abord s’appauvrir.

Fini les colporteurs

Tout a changé. Finis les cris des colporteurs, des camelots, des artisans et des marchands. Arrivé en Corée du Sud, quel choc! Des traînées de voitures déferlent sur des routes parfaites et créent un vacarme auquel je ne suis plus habitué. Des restaurants vitrés spacieux, montés sur trois étages avec des rangées d’automates à boissons et des toilettes impeccables, ont remplacé les bouibouis familiaux. Tout un continent m’avait désappris jusque-là la vitesse, la cherté, la multitude des produits, la signalisation et la propreté. Désoeuvré, je mangeai mes dernières soupes de nouilles chinoises dans mon bocal de fer blanc sur les marches d’un magasin en me demandant dans quel monde j’avais brusquement atterri. Deux Coréens en costume-cravate m’invitèrent à boire dans un restaurant. La gentillesse ne connaissait pas de frontières.

Bruyante Séoul

L’agitation de Séoul, cette ville de presque 9 millions d’habitants me remit vite en place sur mes deux roues. Ce pays rugissait comme un dragon asiatique qui me fit égarer sur le réseau de bretelles autoroutières. Je remontai une rue à sens interdit et tombai nez à nez contre une vitrine de magasin de vélos qui exhibait les fleurons de la petite reine. Le propriétaire m’aperçut, et me vendit à un prix plus que raisonnable, une paires de pédales dont j’avais besoin d’urgence. « Avez-vous déjà mangé? » me fit-il. Qu’à cela ne tienne, il s’enthousiasma pour mon voyage et me conduisit vers un restaurant de barbecue coréen. Assis sur des coussins et un parterre chauffé, nous attrapions avec nos baguettes de fines tranches de viande de boeuf et les fîmes rôtir sur le foyer central, pour les tremper ensuite dans des sauces de légumes.

Claude Marthaler

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L’Eurasie à vélo par Claude Marthaler, La Tribune de Genève, 5 janvier 1998