L’Eurasie à vélo #47: A Kandy, la dent de Bouddha attire offrandes et flashes

Publié le 28/04/2022

Au centre de l’île, la ville de Kandy abrite le temple de la Dent. Pas n’importe laquelle: celle du Bouddha. Cette dent est si puissante qu’elle rassemble une foule de gens chaque soir, à 18 heures précises. Le temple aux colonnes de bois résonne de trois joueurs de tambour. Puis, au premier étage, des moines arrivent un à un, en ouvrant de petites portes richement décorées qui laissent apparaître du bout d’un étalage d’artifices dorés et de tissus rouges, la fameuse dent de Bouddha. Un déferlement de chasseurs d’images de dent éclipse les quelques Cingalais venus ici porter des offrandes à leur dieu.

Sri Lanka s’accroche désespérément au restes de sa gloire passée, comme pour mieux oblitérer sa situation présente sur fond de guerre et de cirse économique. Ici, des professeurs d’école travaillent le dimanche comme guides sur les nombreux sites archéologiques. Seules les demeures des dieux, en pierre, ont subsisté de ces antiques villes prospères. Là, des chaînes humaines amènent continuellement des briques de pierres pour reconstruire des stupas géants. Paradoxalement, ces ruines seraient tombées dans l’oubli si, à la suite des colons et des missionnaires, des archéologues et des touristes n’étaient pas venus sur l’île.

Exorcisme

Les Sri Lankais s’adonnent aussi à d’étonnantes pratiques. Ainsi, la Danse de deuil cache une traditionnelle façon d’exorciser. Un homme âgé, au visage peint en noir, le front ceint de feuilles de palmes découpées d’une façon artistique, mime le mal. Son corps se convulse au rythme des tambours battants. Ses colliers décrivent des ellipses libres et les crécelles qui cerclent ses chevilles gigotent dans tous les sens. Sa bouche est remplie de fleurs. Il virevolte soudain, en transe, fait reculer la foule apeurée, puis tombe par terre, épuisé. Son corps continue de s’agiter, comme celui d’une volaille dont on vient juste de couper la tête. Des hommes le retiennent de force et le portent, sur un brancard, vers une plateforme surélevée de bambous en bordure d’océan. Puis le redescendent, commencent à lui ôter tous ses bijoux, ses amulettes, et arrosent son corps d’eau.

En quittant Colombo, je ne sais pas réellement à quoi attribuer ma vision décolorée du Sri Lanka. Cette île, certes sensuelle, mais dont les bombes font plus de vagues que ses plages. Sri Lanka a marqué un entracte

C. M.

L‘Eurasie à vélo par Claude Marthaler, La Tribune de Genève, 24 juillet 1996