L’Eurasie à vélo #4: La voyante voit-elle juste?
Publié le 15/03/2022
En Autriche, une directrice de théâtre de comédie me lit les lignes de la main et me tire les cartes. « No problem, your journey will be lucky and within three years you’ll have a normal family life » (Pas de problème, votre voyage se passera bien dans dans les trois ans, vous retrouvererz une vie de famille normale). « No problem », c’est le nom de ma bicyclette. Mais avec cinq rayons cassés depuis Genève, comment la croire? Un pépin mécanique me vaut une invitation à un goûter gargantuesque, dont les Autrichiens ont le secret. Comme quoi un rayon cassé vaut parfois un rayon de soleil. Trois générations me dévisagent à l’orientale, autour de la table de la cuisine: « Au Japon à vélo? Mais tu es complètement fou! »
Nous sommes le 4 avril; 1700 km me séparent depuis Genève. Je glisse sur la « nummer eins », casqué comme un pilote, dans le flot ahurissant des Viennois qui rejoignent leurs casemates. A chacun ses frontières. Pour les uns, les vacances sont finies. Le voyage, lui, ne fait que commencer.
L’Eurasie à vélo par Claude Marthaler, La Tribune de Genève, été 1994