L’Eurasie à vélo #28: Le coffre-fort dévalisé
Publié le 09/04/2022
J’ai quitté Bakou angoissé pour mes amis peintres et musiciens qui m’avaient embrassé avec chaleur en me disant peut-être ne plus jamais me revoir. En effet, la police parcourt les rues de la ville et procède à des arrestations de jeunes entre dix-huit et trente-cinq ans pour les amener au front. Ahmed, un chanteur de rock’n roll qui m’avait invité à l’une des ses répétitions, craignait à tout moment d’être emporté de force dans cette folie meurtrière qui a déjà coûté la vie à vingt mille personnes.
Devant l’insistance des douaniers géorgiens, je dévalise le coffre-fort qui fait office de garde-manger. Aux derricks de Bakou succèdent les vendeurs d’essence, alignés le long de la route. Je pourrais, à bicyclette, facilement rire d’une telle situation si j’ignorais tout de la Géorgie en proie à la guerre et au marasme économique.
L’Eurasie à vélo par Claude Marthaler, La Tribune de Genève, été 1994