L’Eurasie à vélo #12: Au marché de Kremenchuk

Publié le 23/03/2022

Au marché, on vend pêle-mêle à l’arrière des camions, des chaussettes, des têtes de cochons, des sacs en plastique. Sur simple demande, on pêche le poisson dans des camions citernes qui vendent également de la limonade ou de la bière. Les produits de leur jardin potager sont suffisants pour que les Ukrainiens consacrent une partie de leur argent à autre chose qu’à la nourriture. A la campagne, on se lave sans eau courante, à coup de gobelets.

Le plus fou dans ces rencontres? Nous sommes tous Européens, mais nous ignorons tout ou presque les uns des autres et dévorons le dictionnaire français-russe. Nous tentons ainsi de reconstituer à partir de nos destins individuels, nos pays respectifs. Les familles me témoignent beaucoup d’amour, mais personne parmi elles et leurs amis ne comprennent pourquoi je tiens à me rendre au Japon, à vélo. Sana doute, me dit cet officier, dans 10 and peut-être, des Ukrainiens prendront la route! Sur mes deux roues, je soulève autant de réponses que de questions et traverse transfuge permanent, de nombreux destins. Si les désirs sont parfois différents, les besoins restent les mêmes. Après tout, la terre n’est qu’un seul pays.

L’Eurasie à vélo par Claude Marthaler, La Tribune de Genève, été 1994