Great Divide #0, le long des Rocheuses

Publié le 20/06/2018

Le 27 juin 2018, je me suis envolé à Calgary pour suivre une piste de rêve en danseuse sur l’échine des Rocheuses, jusqu’à Antelope Wells, à la frontière mexicaine. Des confins qui ne vous mènent pas à la mer, mais s’annoncent par un grillage planté au milieu de nulle part, ligne de partage des riches et des pauvres, qui ne cesse de s’étendre. La Great Divide est un itinéraire géographique nord-sud de superlatifs dans un pays qui les vénère (4500 km, 60960 mètres de dénivelé positif), où le bruissement des pneumatiques et le cliquetis de la chaîne s’estompent dans le dense couvert végétal. Trop éloignées, les rumeurs s’y meurent, à l’abri du « Trumpistan ».

Great Divide 1Si l’Europe c’est d’abord l’histoire, l’Amérique, c’est d’abord l’espace. La Great Divide est la ligne de partage des eaux, celles qui à l’Ouest se jettent dans le Pacifique, et les autres qui à l’Est forment le bassin du Mississippi. La grande division et la source, presque un symbole pour cette Amérique et sa vastitude qui, parions-le, est le seul pays au monde qui vous octroie une autorisation de voyage, sans toutefois vous procurer de visa. Et pleins pouvoirs au gabelou de service, qui vous fiche et s’en fiche,  de vous souhaiter la bienvenue ou refuser de céder le passage à votre innocente bicyclette.

Voyage dans le temps et dans l’espace: à vélo, le relief cisaillé de la Great Divide vous entaille dans la chair avec sa secrète fabrique de kilomètres obliques et ascendants jusqu’au territoire perdu des bêtes sauvages: ours, cerfs, antilope d’Amérique, aigles, balbuzards pêcheurs, grues du Canada. Et plus proche qu’il n’y paraît, à celui de votre enfance. Retour sur des pistes parallèles, à Missoula, où l’association Adventure Cycling a vu le jour, à Laramie où Thomas Stevens avait travaillé avant d’entamer de (surcroît sur son grand-bi), le premier tour du monde à vélo, en 1884! Enfin, retour en 1997-98, sur des souvenirs de ma traversée du continent américain de 39’000 km. C’était hier. Une frêle esquisse entre crayon et rayon ou, dans un hypnotique roulis,  je m’unissais à la terre pour repousser mon inéluctable destin.