Great Divide #7, (metal) cow-boy

Publié le 29/07/2018

 

On aurait tort de considérer le cow-boy comme une simple image d’Epinal. On lui doit la paire de jeans, fabriqué dès 1853 en plein période du Gold rush dont le brevet fut accordé en 1873. Mais aussi le western, une grande marque de cigarettes, un symbole de liberté, une vertu libératrice attachée aux grands espaces, un vent sauvage qui s’engouffre dans notre imaginaire, un courant d’air entre ranch et saloon qui ont su conquérir le monde, eux aussi. Toujours cet esprit américain (ou tout simplement humain?) de conquête d’un territoire trop vaste, revêche, fabrique de fantasmes, sur les traces de l’expédition de Lewis & Clark et les premières jonctions commerciales entre l’Est et l’Ouest qui définissent aujourd’hui tant les Etats-Unis et sa politique dans le monde.

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Pédaler le long de la Great Divide, c’est aussi traverser cette autre Amérique, profonde et négligée, celle des petites villes où l’on se sent parfois comme un metal cow-boy, appréciant son anachronisme incarné, quand soudain on rejoint sans transition une freeway. « This community support our troops  » annonce sans ambages un panneau géant dans la chaleur montante et inaltérable de la journée. A l’entrée de Lima, non pas la capitale du Pérou, mais 220 habitants, un bled composé de quelques maisons déchues, comme jetées sur l’insaisissable étendue : une station d’essence et deux bars-restos où se côtoient locaux, camionneurs et touristes.

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Insensiblement, les vastes montagnes couvertes de forêts de conifères et de ruisseaux ont fait place à des vallées plus évasées, des rivières qui méandrisent et une terre plus sèche où s’invite déjà un brin de désert. Un vent arrière, chaud et sec chahute les vastes prairies tapissées de sauge et de fleurs ponctuées de ranchs. Cela sent l’été à plein poumons. Des troupeaux de bœufs noirs conduits par de vrais cow-boys dont une petite fille rousse, née sur un cheval, coiffé d’une casquette de base-ball. De part et d’autre, ce ne sont plus que des praires vert claire irriguées à la seule fin de les engraisser. Au pays du boeuf sacré, végétariens s’abstenir, fruits et légumes introuvables. Reflet d’un mode de vie rough, masculinisé, où des barrières de bois courent sur l’étendue et morcellent le paysage, soudainement moins féroce, plus « apprivoisé ».

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C’est au bar où cela se passe. Au Peat Hotel & Steakhouse plus précisément, que le bouche à oreilles annonce déjà bien à la ronde. Une bâtisse échouée de briques et de bois aux fenêtres condamnées, où le chapeau de cow-boy est de rigueur. Le hang out local. Aux murs s’affichent dans une demi-obscurité un capharnaüm de publicités de bière, une tronçonneuse, un large bar bien achalandé, une antique caisse enregistreuse, des photos noir-blanc de rodéo, des panneaux de signalisation, des dollars griffonnés. Et même un réplique de la célèbre « tête de taureau » une œuvre de Picasso créée en 1942 par l’assemblage d’une selle en cuir et d’un guidon de vélo.

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Au centre trône un foyer où chaque client se grille son steak sous le regard éteint de têtes empaillées de cerfs et le tournoiement des ventilateurs. Un cow-boy jette quelques pièces dans l’une des machines à sous aux lumières criardes et clignotantes.

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Dans les dernières lueurs du jour, la fatigue aidant, il est étrange à quelle point la réalité rejoint en creux ma représentation européenne du paysage américain, lorsque de hauts panneaux lumineux signalent une Lima parfois rougie par les feux des puissants trucks aux moteurs ronflants.Great Divide #7, (metal) cow-boy 6