Great Divide #6, Freewheels versus freeways

Publié le 29/07/2018

« La bicyclette fut peut-être la dernière invention compréhensible par n’importe qui à l’oeil nu. Merveilleuse transparence de la bicyclette, venant après l’évidence de la brouette, la simplicité du tonneau, la franchise du cabestan, la naïveté du vistemboir! Après, nous entrâmes dans l’ombre.  »

François Taillandier, Vers l’homme futur, in L’Humanité, 16 octobre 2003

En 1817, le baron Drais (1785-1851) créa l’ancêtre de notre « petite reine » la bien nommée. Drais n’avait aucun modèle motorisé à disposition, ni un exemple issu de la nature pour pouvoir s’en inspirer, comme le mouvement de la feuille d’érable pour l’hélicoptère. Visionnaire, il fut le précurseur du trafic individuel sans cheval. Sa draisienne entraîna la création de la moto, de la voiture et de l’avion. Aucune autre invention, pas même le moteur à explosion, fut aussi importante que le vélo pour le développement de l’automobile.  La bicyclette possède aujourd’hui encore une efficience énergétique inégalée parmi tous nos moyens de transport.

Great Divide #6, Freewheels versus freeways

Natif également de Kahrlsruhe et vivant comme Drais à Mannheim, Carl Benz (1844-1929) créa d’abord le « vélocipède à manivelles », à trois roues, avant d’ y installer un moteur monocylindre refroidi à eau. L’ancêtre de la voiture était né et allait conquérir le monde…. Puis, de l’autre côté de l’Atlantique, Henry Ford et sa légendaire Ford T, fabriquée de 1908 à 1907, mis littéralement l’Amérique sur deux roues. Elle fut la la première automobile produite en ligne d’assemblage et à prix abordable – La voiture qui a permis à la classe moyenne américaine de voyager. On se souvient bien sûr aussi des années 1930, lorsque General Motors racheta de nombreux réseaux de trams dans de nombreuses villes américaines et les remplaça par des bus, une politique délibérée ouvrant la route au trafic automobile…Great Divide #6, Freewheels versus freeways 1

Là où les Indiens se plieraient en quatre, tout comme les Cubains dans leurs camellos, là où l’Européen emprunterait une ligne d’autocar ou voyagerait en mini-bus et peut-être son vélo attaché à l’arrière, le couple américain utilise un autobus entier à lui tout seul…tirant une 4 x 4 pour aller faire ses emplettes, voir en sus un moto, des canoës, un quad, parant à toute éventualité. Un esprit de conquête et une peur secrète du manque transpire de ces convois timorés, version moderne de la première vague de conquête du continent Nord-américain. Chaque nuit, ils se parquent docilement côte à côte dans des campings pour RV (recreational vehicules). Ils trouvent refuge dans un reproduction miniature de la ville où coule à flot l’eau, l’électricité, les sanitaires et surtout la sécurité. Have a safe journey! est la phrase la plus prononcée que l’on m’a adressée jusqu’à présent.

Aux antipodes du monde motorisé,  les indécrottables romantiques, souvent solitaires, qui parcourent à pied la Great Divide Trail  pendant quelques cinq mois ou la Great Divide à vélo échappent aux statistiques. A la louche, ils seraient selon certains d’entre eux, peut-être 300 pour les bipédes et quelques 500 en roue libre à parcourir  chaque été, au plus près l’échine des Rocheuses qui irriguent tout le continent. Cette année, quelques 150 cyclistes très affûtés, ont participé à la Tour Divide, une course individuelle d’ultra-endurance, jusque-là  à l’abri de l’argent.

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Aux freeways – littéralement les « routes libres » –  ces doux rêveurs reconnaissables entre tous à leur rayonnement, préfèrent emprunter à la source les sentiers des franges, expérimenter une géographie respiratoire, chacun à son rythme et à sa manière. Ils évitent (parfois sans les savoir), les prestigieux parcs nationaux américains à péage, par ailleurs créés en même temps que les réserves d’Indiens. La densité de véhicules motorisés y est encore bien plus élevée qu’à l’extérieur….

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