Great Divide #12, La route vers les étoiles?

Le Colorado possède à lui seul 54 fourteeners, ces sommets de 14 000 pieds (4 267 mètres). The road to the stars, la plus haute route asphaltée des Etats-Unis, construite spécifiquement pour jouir d’un scenic drive en 1930, atteint presque le sommet du Mount Evans, situé lui à 4347 mètres, et que l’on atteint à pied.

Durant mon tour du monde, en octobre1997, je pédalai puis campai à son sommet. La route était officiellement fermée. Seul bipède à la ronde, j’étais drapé de silence. La tombée de neige nocturne me surprit et recouvrit ma tente. Je pris alors peur qu’un troisième hiver, long et rigoureux, me poursuivrait. Je virai vers l’Est, par de nombreux cols, traversai la vallée de la mort et rejoignit San Francisco.

A fin août 2018, j’effectuai mon dernier « pas de côté » de la Great Divide pour y monter. Bien mal m’en prit de grimper un samedi: 2000 personnes s’y rendent en voiture chaque jour durant les week-ends estivaux pour quelques dizaines de cyclistes. Chaque automobiliste s’arrête pour immortaliser le célèbres chèvres des Rocheuses.Même si la pente est peu inclinée, ayant emporté quelques litres d’eau supplémentaires, la gravité me rend profondément terrien, enraciné. De loin pas autant que les pins bristecone, ces sentinelles qui vivent souvent 2000 ans, le plus ancien d’entre eux ayant même atteint l’âge honorable de 5000 ans, en faisant de lui le plus vieux de tous les arbres! Peu pressés de grandir, il leur faut quelques années pour gagner un anneau de plus. Avec leur résilience incroyable, ils abandonnent pourtant les hauteurs aux plantes et au monde minéral

Depuis quelques semaines, le ciel,du Colorado, habituellement d’un bleu éclatant, est voilé. C’est au réchauffement climatique que l’on impute cette recrudescence d’incendies de forêt, en Californie, en Utah, au Wyoming, au Colorado. Et puis, la grêle se met à tomber, comme pour mieux souligner l’invisible ligne des 4000 mètres.Ce que Edward Abbey craignait est arrivé: au sommet de la route, se trouve un parking bondé et payant.Des coups de tonnerre éclatent dans le ciel. Il vente. La température chute sans crier gare. Mon foutu romantisme fait place au pragmatisme. Si je cuisine sous son avant-toit, c’est dans l’une des quatre toilettes forcément « les plus hautes du pays » , que je trouverai refuge pour la nuit.

Fuir la puanteur et élever le débat!…Quelques pages de « Earning the Rockies. How geography shapes America’s role in the world » du reporter Robert D. Kaplan…Là-haut, le ciel est capricieux. Le coucher du soleil me prend par surprise et s’enflamme de couleurs chaudes.Au petit matin, une dizaine d’automobilistes se sont déjà parqués, quêtant le lever du soleil. Le vent souffle à décorner les yaks. Sa colère cède peu à peu face à un soleil-roi, le temps de me chauffer un litre de thé.La spectaculaire descente (plus de 200O mètres dévalés en 47 km!) vers Idaho Springs, malgré la route ébréchée, est douce comme les rayons du soleil. Il y a des moments où l’on loue la gravité de se sentir si oiseau!Encore un ultime col, le Loveland pass – oui, le pays de l’amour -perché à 3664 mètres, avant de retourner dans le giron de la Great Divide et ses plus hautes passes qui m’attendent encore plein sud.

Une petite note à l’intention des amateurs de chiffres et de vitesse: chaque année une course d’Idaho Springs au sommet du Mount Evans a lieu en juillet en l’hommage d’un jeune coureur Bob Cook qui l’a gagnée plusieurs fois et est décédé à 23 ans d’un cancer : le record est de 1h41 par Tom Danielson …et de 1h59 par Jeannie Longo chez les femmes !

et un livre pour celles et ceux qui aimeraient un jour bivouaquer sur l’un ou l’autre des fouteeeners: