Frank van Rijn

Publié le 22/11/2018

Une lumière d’automne chatoyante glisse dans les sous-bois, les bocages, les allées de chênes, les forêts de pins et parfois de bouleaux. Dans la province néerlandaise de Drenthe, au nord-est du pays, l’extraction de la tourbe au début du 19ème siècle a donné naissance à de nombreux étangs. Nous empruntons des routes de pavés d’argile, construits avec méticulosité à la même époque, quand, pour faire face à la profonde crise, on occupa les cul-terreux survivants sous leurs toits de chaume. Le maillage des canaux et écluses,  zébré d’innombrables pistes cyclables semble s’étendre à l’infini sur cette terre sablonneuse où pousse la bruyère, tout juste bonne à faire brouter les moutons. Et puis, il y a ces moulins qui ponctuent à foison l’étendue. Chacun d’eux forme un condensé de connaissances techniques impressionnant, nous rappelant que le grain fut d’abord moulu en actionnant une pierre à la main, puis par les animaux à bât, enfin par la force du courant et encore par celle du vent.  Après la verticalité de la Great Divide, c’est à un vertige horizontal que m’invite la Hollande.

Un vertige que me procure aussi les 590’000 km de voyage parcourus à vélo par Frank van Rijn ce cyclonaute hollandais né en 1948, rencontré la première fois le 6 février 1990 a Somnatpur, dans le Sud de l’Inde, avec qui j’avais partagé alors 3 jours de route.Frank van Rijn 1Quand s’arrêtera-t-il ce diable de pédaleur devant l’éternel? Ses roues ont croisés celles d’un autre monstre sacré au tour de pédale métronomique, Heinz Stücke à Boa Vista au Brésil, en 1986. A vrai dire, Frank est un pragmatique, il mise sur le présent. Un solitaire assumé, plutôt discret sur ses sentiments,  cependant prêt  à partager avec bonheur un bout de route si alchimie il y avait, mais au grand jamais sa vie quotidienne plutôt recluse.Frank van Rijn 2Auteur de 16 récits de voyage (en hollandais), dont celui consacré à sa traversée de l’Asie qui existe aussi dans une version anglaise et s’intitule Pilgrims & Peppers: Cycling in the Early Eighties (2017), Frank habite une maison dans une petite forêt. C’est un homme d’alternance: le matin il écrit, l’après-midi, il roule. Le soir, il aime lire, particulièrement des romands historiques, en écoutant de la musique classique. Toujours seul. Il a de quoi tenir sa ténacité: son père termina sa carrière militaire comme général quatre étoiles à la tête de l’armée néerlandaise et feu son frère, vice-amiral de la marine nationale. Son père s’occupa de la logistique de ses périples et sa mère l’encouragea toujours à vivre ce qu’il aime, car elle n’a pas eu cette chance là, question d’époque.

Dégingandée et le dos voûté, Frank marche à grands pas. Toujours intentionné,  il parle un français avec un accent hollandais à couper au couteau. Frank est un ingénieur en électricité qui fut un temps un professeur de physique contrarié, projetant le soir venu de nouveaux itinéraires à pédaler. Le besoin de tracer devint vite incompressible: « it went out of control ».Frank van Rijn 3En « homme du siècle passé », il amorce en dérapage incontrôlé le virage digital qu’il tient pour difficile et contraignant.                                  (Photos prises chez lui, 11-15 octobre 2018)

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Photo: Frank van Rijn, Algérie.

Son inspiration vient aussi de Gérard Monnink, un compatriote aujourd’hui disparu qui pédala jusqu’en Palestine en 1938 et dont il préfaça le dernier livre:

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A voir: vidéo de Brooks en deux parties: 1 (14’21 », 2010) et 2 (4’49, 2010).

A lire : Quinze fois le tour de la terre à vélo (La Liberté, 22.11.2018)

+ Extraits de Pilgrims & Peppers                                                                        Frank van Rijn 5