Ararat #1: Lac de Van

Publié le 30/08/2021

Tel un oiseau, l’avion vole si bas qu’il effleure l’eau bleue étincelante de lac de Van avant de toucher terre. De ses 4058 mètres d’altitude, le volcan Süphan Dağı qui surplombe sa rive nord, semble alors encore bien plus élevé encore, comme l’indique faussement ma carte Michelin de la Turquie. A cet instant précis, j’ai l’impression d’entrer dans une univers irrémédiablement ocre, sec, rocailleux, qui porte à la fois l’immensité océanique et la réclusion solitaire d’un bassin endoréique, véritable fragment de ciel échoué. Un horizon d’austérité privé d’arbres que je ne pourrai quitter à nouveau qu’en m’envolant. Avec le lac Sevan (Arménie) et le lac d’Orumieh (Iran), il représente aux yeux des Arméniens les trois « mers d’Arménie ». Il en a porte en tous les cas l’amplitude et la profondeur. L’aéroport de Van, écrasé de chaleur estivale, dégage un sentiment de cul-de-sac et d’éloignement. Je connais bien ce sentiment d’exil et de renaissance que chaque début de voyage, en avion, me procure. Un furtif vague à l’âme. Mon trop plein de bagages menacerait de me rendre pitoyable dans cet implacable paysage désertique où même l’ombre me paraît encore trop chaude. Mes gourdes sont vides, la soif me tenaille. Je remonte mon vélo avec des gestes maintes fois répétés; réparti mon fourbi, dont une paire de chaussures de trek, un paire de bâtons de ski et des habits chauds. L’Ararat est encore loin, mais il pèse déjà de tout son poids dans mes sacoches, de toute sa présence dans mon âme.

Au moment d’enfourcher mon vélo, je rencontre inopinément une institutrice turque qui s’en va rejoindre un groupe de deux cent cyclistes partis pour un tour du lac de Van. Depuis l’écroulement de l’Empire Ottoman, la Turquie est tiraillée entre son Ouest et son Far-Est, l’Europe et l’Asie, la modernité et la tradition, l’héritage de la laïcité d’Atatürk et aujourd’hui la tentation populiste d’Erdogan qui construit mosquées, routes et bâtiments à tour de bras. En Asie mineure, comme partout ailleurs, le statut de la femme, est une question majeure.

Régulièrement, des parpaings en béton et des sacs de sables forment des barrages routiers. Des véhicules blindés de la Jandarma sillonnent le paysage rêche. Casernes et camps d’entraînement militaires occupent d’immenses terrains bardés de barbelés, de caméras et de miradors… Plus encore de présence armée qu’il y a trente ans!

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