Albanie #2: Lacs d’Orhid et de Prespa
Publié le 18/04/2025
Les grandes étendues sont consolatrices. Elles m’ont toujours porté conseil. Elles me tirent de leur grand âge un sentiment de plénitude, tel l’étendue du lac d’Orhid, le plus vieux lac du monde avec le Baïkal et le Titicaca.
Il y a 40 ans, je longeai à vélo sa rive macédonienne et visitai le monastère de Saint-Naum.
L’Albanie était alors un pays aussi étrange qu’étranger, inaccessible. Des deux côtés de la frontière, les douaniers, pour planqués qu’ils soient aujourd’hui, n’échappent pas à un ennui mortel. A cette époque-là de l’année, si peu de touristes transitent dans la région. Fraîchement plâtrées de neige, les montagnes renvoient un puissant écho à la majestuosité des lieux.

A chaque lacet du col, la route silencieuse me fait aimer un peu plus l’esprit de ce lieu-frontière. Le vélo est réellement le véhicule de la chaleur humaine, celle de la transpiration (particulièrement en montée), de l’immersion (à chaque instant), de la rencontre (propice)




Arrivé frigorifié d’une longue descente, le village un brin fantôme de Stenje m’apparaît comme un véritable bout du monde. Dans L’Hôtel du coin, un couple de Macédoniens bavards me raconte combien leur pays a compté dans l’histoire du monde, les Turques venant y chercher une sélection de costauds gaillards blonds pour les faire élever au rang de généraux, tel Alexandre de Macédoine. Le recours systématique à la Grèce antique comme fondement à l’Europe actuelle ne serait que mensonge. Bien plus que leur propos tranchés sur leur fierté nationale et leur territoire dépecé par leurs voisins grecques, albanais et serbes, c’est leur jovialité sans pareil qui m’emporte ce soir-là, alors que je déglutis une salade grecque et un volumineux plat de spaghettis, de quoi contenter mon féroce appétit de cycliste. Ils s’inquiètent toutefois profondément de la surpêche et de la baisse du niveau du lac de Prespa de quelques 8 à 9 mètres en quelques décennies
Quand aux Albanais, ils en pensent beaucoup de mal, entre autres pour leur avidité, leur course effrénée à l’argent. Et à Enver Hojda et d’autres qui ont littéralement tronçonné les Balkans, une terre où vivaient en bonne intelligence d’innombrables peuples, où régnait la tolérance des croyances.
Si aujourd’hui les frontières culturelles traversent et traverseront vraisemblablement toujours les êtres, les fils de fer barbelés et les miradors ont disparus. En lieu et place, la Macédoine dite du Nord (« du Nord » ayant été rajouté par nos politiciens pour pouvoir entrer dans l’Otan sans fâcher les Grecs), l’Albanie et la Grèce ont su conjointement créer le parc naturel de Galičica, unique pour sa biodiversité. Les frontières se sont ouvertes.
